Portail, Rostrenen

Le Portail

Bois de Kerbescont à Rostrenen

Grille avertisseur et tige à béton

4mx5m5

2018

Le portail aux yeux des randonneurs est devenu un genre de piège. Ils n’y pénètrent pas tout de suite. Ils s'immobilisent. Ils reculent. La distance qui les sépare de l’événement est propice à la méfiance. Ils n’identifient pas immédiatement ce que cela peut être même s'ils ont une vague idée. Moi, qui suis perché au-dessus du chemin, je les observe. Ils ne m’ont pas remarqué. Je me demande « vont-ils s'y risquer ? ». Certains osent sans se poser trop de questions en renversant tout sur leur passage et d’autres ont préféré faire un détour.

Le chemin est rarement fréquenté, je ne me doutais pas que j’allais recréer une situation qui laisserait penser à une embuscade. J’ai dû tourner très souvent autour de ma pièce pour en tirer de bonnes photographies surtout quand le soleil n’était pas au rendez-vous.

Mais à certains moments, j’avais plus l’impression de patrouiller. Je gardais un œil sur ce qui pouvait approcher. Cela m’a renvoyé aux pièges de la préhistoire. Ces hommes qui incitaient le gibier à rentrer dans la fosse par n’importe quel moyen. La propagation du feu par exemple, des signaux en forêt qui se répondent à une centaine de mètres les uns des autres. Ce chemin creux, c’est la zone de non-retour.

Mordre comme bête

Deux innommables colosses se disputent au centre de la faille. Chacun brandit une étrange arme, orné de dents tout acérées. Elles s'élancent très haut et tout du long comme de grand peigne mortel. Les picots ne sont pas tout intacts, témoignant d'une chasse féroce et victorieuse. Toute la mâchoire est solidement attaché à la lance par divers cordages improbable.

Les deux innommables parlent très bas, ils ont l'aire d'attendre que quelque chose arrive. Ce n'est pas la première fois qu'ils font cet exercice. Ils s’agitent cela dit. Ils se donnent régulièrement des coups, insistant et se plaignant.

-Pas parler ! Ecouter !

-Plus viande. Toi écouter moi ! Bête partir. Foret parler à bête. Foret, bêtes ensemble, ami.

-Non ! Il le frappe. Non, Moi rester ! Toi rester ! Tribut rester !

-Tribut faible; enfant, parent, amis faible... Piège...

L’innommable montre une chose circulaire au loin. Une substance orangée s'en dégage. Cela ressemble à un grand portail magique. Il se trouve dans le chemin. L'autre innommable ne semble pas écouter les divagations. L’événement orange ne semble pas l'alarmer plus que ça. Le voit il seulement ? L'autre ne le sais pas.

-Piège ! Il reprend. Piège trop risquer. Beaucoup coureur disparu, mort. Tous. Avaler.

-Coureur remplacer.

-Remplacer ?

-Remplacer.

-Remplacer ! Il le frappe.

-Par enfant. Il lui rend son coup. Enfant fort, rapide, plus petit. Gibier traque enfant. Gibier entre. Gibier mourir.

-Par enfant ?!

-Pas risquer ! Nouvelle arme. Plus puissant, Plus de dents. Mordre comme bête.

-Enfa..

-Shhuutt.. Ecouter ! Enfant, gibier approcher.

Plusieurs petits feux, c'était allumer au loin comme de minuscule lanterne et arrivait dans leur direction. Une vibration l'accompagnait et les secousses étaient de plus en plus soutenues. Les deux innommables se dépêchaient de grimper au-dessus du chemin creux. Ils se préparaient à rencontrer leur futur. Il était prêt à bondir et abattre la bête.